Dans cette maison...
Quand j'étais petite, je rêvais ma vie d'adulte... Je rêvais d'une grande maison avec une grande famille...
C'est marrant, je ne me suis jamais posé la question de savoir si j'aurais une belle carrière ou si je mourrais jeune mais j'avais juste peur de ne pas réussir à construire une famille.
Et puis, j'ai été grande. Je me suis mariée. Je suis tombée enceinte. J'ai acheté cette maison.
Quand j'ai mis les mains dans les travaux de cette maison, de ma maison, je rêvais de plein d'enfants qui courraient partout de leurs chambres au jardin en me dévastant le séjour au passage, de gâteaux qui cuiraient pour des goûters pantagruéliques.
Les années ont passé, je vis seule dans cette maison avec ma fille unique.
Les gâteaux ou les crêpes qui cuisent " ben oui, c'est normal, en ce moment tu es à la maison, tu as le temps ! ". Les cris ressemblent plus souvent à des colères qu'à des exclamations de joie et, hormis les jours où les amis viennent avec leurs enfants, je n'aurais jamais de ribambelle d'enfants qui investira cette maison.
Dans cette maison, on rentre dans l'adolescence de Sainte Chérie, on gère les relations parfois houleuses avec son père, on subit les atermoiements médicaux des suites de mon accident.
J'aimerais qu'il y ait de doux après-midi ensoleillés ponctués d'éclats de rire.
J'aimerais que certains prennent leurs responsabilités de père au lieu d'avoir pour objectif premier de me saquer et de me condamner.
J'aimerais me baigner dans un océan de douceur avec des câlins à n'en plus finir et des mots d'amour.
Mais c'est la règle ! On récolte ce que l'on sème...
Si les câlins vont à d'autres, c'est que je n'ai pas su en créer l'envie qu'on me les fasse.
Si les remontrances pleuvent, c'est que je dois les mériter car je ne dois pas avoir la bonne attitude.
J'ai de la chance, parfois, un élan vient illustrer que c'est l'exception qui confirme la règle.
J'ai de la chance, parfois, je peux offrir un café au père de ma fille et discuter de façon détendue et agréable.
Et, alors, je vis ces instants comme un éclat de rire cristallin aussi bref, aussi puissant et qui laisse un grand sentiment de silence dès que l'écho s'en est allé.
Mais des dimanches soirs comme hier où, devant ma fille, je dois justifier chacun de mes actes d'éducation, dans cette maison, alors, l'air devient sombre et bien trop silencieux et j'y entends alors trop bien le bruit de mes rêves qui se brisent les uns après les autres à mes pieds...
Ne me plaignez pas !
Je sais qu'il y aura des jours meilleurs et heureusement ! Je sais que, parfois, c'est dans les moments les plus sombres qu'arrive un petit rayon de soleil auquel je ne m'attendai pas...
Y a juste que, là, en parler m'aide à respirer...