Ce que je crois

Ce livre, écrit par Jacqueline de Romilly au milieu des années 70, est peu ou prou un essai sur la société telle que cette grande spécialiste de la Grèce antique la percevait et avec les parallèles qu'elle pouvait faire avec la démocratie athénienne.

Ce que j'ai particulièrement aimé, c'est cette faculté que l'auteur a de nous donner son avis sur notre manière d'aborder la vie aujourd'hui par rapport à la façon qu'avaient les Grecs d'envisager leur existence et leur modèle sociétal.
Et un peu comme lorsque je vous parlais du livre sur Nelson Mandela, dans ce livre non plus, il n'y a nul jugement de valeur, nulle volonté de condamner notre société et de faire le panégyrique de l'Antiquité. Elle constate les différences, les enseignements qu'elle juge utiles à en tirer mais nous laisse absolument libres d'en tirer nos propres conclusions, une espèce d'état des lieux.

En tête de ces constats : l'importance, voire même l'absolue nécessité de l'Education et le respect de la Loi. Je mets volontairement des majuscules car il s'agit moins de l'éducation nationale et de notre système législatif à proprement parler que des concepts qu'ils recouvrent. Et, là, loin d'arriver à une mise en perspective qui pourrait aboutir à une dichotomie des deux sociétés, elle constate un certain parallèle entre la fin de la Cité grecque et la décadence de notre société et, malheureusement, on peut être d'accord ou non mais on ne peut que constater les similitudes exposées.
Elle explique que l'Education, autrefois, était l'affaire de tous et à tous les niveaux (même politique) car il ne s'agissait pas seulement d'enseigner des matières à l'école mais d'éduquer au respect, à la réflexion, à la responsabilité de chaque être humain.

Elle évoque cette volonté antique de vouloir le bien de la Cité pour favoriser le bien individuel qui en découle immanquablement alors qu'aujourd'hui notre société est telle que l'individualisme prend le pas sur le reste et que nous cherchons d'avantage ce qui peut nous être profitable à nous en tant qu'individus que ce qui pourrait l'être à notre groupe et, par ricochet, à nous. Elle développe l'idée qu'une société prospère et sereine entraînera toujours dans son sillon du positif pour ses membres alors qu'une société en pleine déchéance entraînera toujours (à plus ou moins long terme) la chute de l'individu, même s'il a tenté d'assurer son bonheur et sa prospérité.

Elle décrit également, ce qui à mon sens est un grand mal actuel, le besoin de voir la lumière, cette nécessité de chercher les petits bonheurs et non pas ce qui va toujours de travers, cette volonté de se hisser vers le mieux pour y emmener les autres avec soi, bref de répondre et de répandre un certain humanisme autour de nous !

J'ai aimé ce qu'elle dit de la littérature ou, plus prosaïquement, de la lecture en général. Elle exprime comment un mot lu peut, selon la personne qui le lit, appeler tout un monde qui différera d'une personne à l'autre selon son vécu, son caractère, ses souvenirs, ses émotions. Oui, la lecture utilise les mêmes mots, les mêmes phrases et, pourtant, elles toucheront différemment chaque personne qui les lira et, par conséquent, chaque livre sera différent selon celui qui le prendra en mains, à la différence d'un film où les intonations et les images influent la signification et orientent la perception que l'on peut en avoir.

En revanche, il faut être honnête et reconnaître que ce livre demande une certaine concentration de par le style soutenu de l'auteur et la profondeur de ses pensées et de leurs multiples implications et j'avoue que, du coup, ce n'est pas un livre " facile " à aborder mais quand on accepte de faire l'effort, cela devient extrêmement intéressant et propice à une certaine réflexion.
Il faut également reconnaître que cette grande dame n'était pas des plus progressistes et avait très (trop ?) peur de certaines évolutions de la société mais tout n'était pas faux et le livre est toujours, dramatiquement, d'actualité ce qui tendrait à prouver que certains de ses constats n'étaient pas sans fondement.